jeudi 22 décembre 2011

Quel monde monstrueux !




Mes amis,




Notre monde est une bête féroce et carnassière. Je suis né avec les yeux d'un Rougon-Macquart descendant dans ses entrailles pour subsister, survivre... Pressés les uns contre les autres comme des automates, le monstre de fer nous avalait chaque matin, pour nous recracher à son gré sur son chemin. Dès six heure ce distributeur de chair humaine bon marché commençait sa tournée macabre, jusqu'à épuisement de la marchandise. Il se vidait de centaines d'hommes et de femmes, à chaque nouvelle zone industrielle qu'il croisait, comme pour mettre fin à sa digestion. Des odeurs de peur, d'angoisse et de souffrance nous accompagnaient tout au long de cette transhumance, au travers de paysages accélérés et sombres, afin de nous rappeler, qu'aujourd'hui encore, il nous faudrait obéir. Lorsque sa bouche s'ouvrait devant notre purgatoire, seules les portes de l'enfer s'offraient à nous. Les hydres crachant une fumée asphyxiante, nous attendaient patiemment, prêt à nous ôter l'air et la lumière d'un monde extérieur dont nous ne nous souvenions déjà plus... Alors nous montions tel des marionnettes, alimenter les cheminées de nos usines, tout en remplissant les coffres forts de nos bourreaux. Car loin de nous accorder une juste part du fruit de notre dur et interminable labeur, nous devions nous contenter des miettes de ces goliaths. Nous, le rouage, les manivelles, les poulies, l'huile, les pistons qui faisions tourner ce monde, nous survivions, pendant que nos marionnettistes, paisiblement assis derrière leur bureau, baignaient dans l'opulence !



Mais il est temps de choisir notre mort : préférons-nous agoniser sous le poids de notre peine quotidienne, nous noyer dans notre sueur noirâtre, ou bien opterons-nous pour un combat à mort où nous périrons peut-être sous les coups de nos tortionnaires, mais pas sans s'être donné une chance de vivre enfin ! Coupons les fils de nos membres assujettis afin de retrouver notre libre arbitre. Faisons tomber de son piédestal cette oligarchie qui nous oppresse. Organisons une armée pour faire partager à nos puissants un peu de cette terreur journalière qui nous étouffe. Offrons-leur notre pain sec qu'ils s'y cassent une de leur dent en or, l'eau sale de nos baignoires pour qu'ils y lavent leur argenterie, nos clapiers où même leurs chiens refuseraient d'entrer...


Mais surtout, rappelons-leur qu'ils nous doivent tout ! Les soupes chaudes et savoureuses que nous leur mijotons, leurs vêtements que nous tissons, ou encore leurs palais sous les pierres desquels nous nous mutilons souvent... sans oublier leur fortune que nous payons de nos vies de pantins.


Rassemblons nos forces et résistons face à cette injustice qui voudrait que le plus grand nombre se meure pour le confort de notre classe dirigeante. Croisons le fer avec ceux qui sourient de notre lente agonie. En attendant que cette idée germe dans vos esprits, que vous me rejoigniez dans cette lutte, je vous écrirais quelques pamphlets pour vous ouvrir les yeux. Notre monde doit renaître par la volonté du peuple.



Dans l'espoir de vous voir rejoindre cette révolte, je vous prie de croire, mes amis, en l'expression de ma révolte légitime.



Nouwanda


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