samedi 4 février 2012

Des mots mal vus




Je ne suis pas superstitieux mais quand même... Le 22 janvier je publie un article sur le fait que mon existence n'a été que bonheur, que ma vie est merveilleuse et que tout me sourit dans le pire des mondes... 3 jours après, alors que je parcours paisiblement ma destinée, voilà qu'un poids lourd me percute de plein fouet. Malgré les risques d'entreprendre cette aventure qu'est la vie, j'espérais vivement continuer ma route sans encombre... certains, aussi rares soient-ils, y parviennent tout de même, et je voulais en faire parti.

De souvenir d'adulte je n'ai pleuré que pour deux raisons. La première est indéniablement la meilleure des raisons, car elle est sans appel. L'anéantissement d'un avenir partagé avec une cousine, trop jeune ; l'extinction d'un souffle chez celui qui fût un père d'enfance ; la disparition d'un être cher, une grand-mère, que l'on regrette de n'avoir pas connu plus tôt ; la mort d'un vieil homme que vous avez tant aimé, le seul papi de vos souvenirs, celui qui bercera à jamais vos rêves d'enfant, dans une douce odeur de cuir ; et il en viendra d'autres, si je ne baisse pas le rideau avant eux... un père, une mère, ou pire... nous ne serons jamais prêt...
La seconde raison est digne de Ronsard. L’Amour. Celui que réveille en moi, la femme qui a choisi de m'accompagner, un bout de chemin, en sacrifiant de sa liberté. Cette femme qui, tous les jours, depuis ces huit dernières années, n'a pas manqué une journée, de me dire qu'elle m'aimait ; me supportant malgré ce silence à peine déguisé pour seule réponse. Incapable, au quotidien, d'aligner les mots qui lui montreraient comme je l'aime à mon tour... et quand je lui écris, tous ces mots se bousculent dans ma tête, ils se mélangent, se heurtent, ils s'emballent à chaque pensée, et je luttent de tout mon être pour qu'ils jaillissent indemnes sur ces pages blanches, car je n'ai jamais vraiment su lui dire autrement. Je relis ces phrases, et chaque fois ma gorge se serre, je parcours mes sourdes pensées à chacune des lettres que je lui envoie, aussi rares fussent-elles, et immanquablement les larmes coulent... mais voilà que mercredi, nous apprenons qu'elle perd peut-être la vue...


Aujourd'hui, nos larmes ont un goût amer, celui d'un avenir incertain. Comment pourra-t-elle alors lire les mots que je lui crayonne ; des mots d'Amour, des mots qui guérissent, des mots guerriers pour la reconquérir encore et toujours, des drôles de mots pour la voir sourire, et puis des mots juste pour elle, des mots qu'elle sera la seule à entendre puisqu'ils n'existent pas... des maux qui dureront mais qui s'atténueront. Le pire, ce n'est pas cette probable cécité, mais cette tristesse qui l'envahit. Jamais je ne laisserais la peine ou l'amertume envahir nos vies, jamais je n'oublierais de nous faire rire, jamais nous ne cesserons de jouir pleinement de chaque instant car nous sommes bien vivant... Nous tirerons le meilleur de cette épreuve pour en oublier les méfaits, et nous en sortirons plus fort, plus heureux, c'est une certitude.


Alors soignons le mal par le mal, au travers de quelques expressions qui, aujourd'hui, résonne bien différemment dans nos oreilles ; c'est d'ailleurs très drôle de voir comme les mots peuvent changer de sens d'un jour à l'autre, d'une personne à l'autre... mais l'humour reste, à mon humble avis, notre meilleure arme contre la bêtise, l'ennui et tout ce qui rend notre quotidien néfaste ! Je déconseille donc aux non-voyants de lire la suite...


« Qui vivra, verra ». Tout dépend pour qui !

« Il faut le voir pour le croire ». Qui l’eut cru ?!

« Il m'en fait voir de toutes les couleurs ». Du noir, du noir et encore du noir !

« Être en garde à vue ». Si seulement !

« À perte de vue ». C'est censé être drôle ?!

« Avoir le mauvais œil ». C'est bien ça le problème !

« Voir tout en noir ». Même l'humour ?


Petit hommage à l'un des plus grand d'entre nous, Pierre Desproges : « Moi, j'ai pas de cancer, j'en n'aurai jamais, je suis contre. »



  Nouhanda



4 commentaires:

  1. Poignant. Les mots me manquent : pas les frissons.

    RépondreSupprimer
  2. C'est une belle déclaration, pour un taiseux, dis donc ! Les mots d'humour ne soignent pas la cécité, mais ils sont souverains contre la tristesse...

    RépondreSupprimer
  3. c'était très beau... merci Ocytocine d'avoir partagé ce moment intense. C'est un peu de pudeur là, si si tu y es arrivée cornequidouille!

    RépondreSupprimer